Deux mondes

Publié le par Blanche

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C'est long...

La ville est encore très loin, et lui, il a envie de rentrer chez lui, de manger quelques délices hors de prix, et d'aller s'étendre sur ses draps de soie. Mais ce fichu conducteur refuse de pousser les moteurs, au prétexte qu'ils ne résisteraient pas à une longue distance. Il se moque de lui, oui, c'est la seule explication. Et c'est uniquement parce qu'il est fainéant qu'il refuse d'aller plus vite. Dès son retour, enfin... une fois repus et reposé, il le fera renvoyer pour incompétence.

La neige a recouvert les paysages familiers de son hideuse couverture, et voyager devient un vrai calvaire. En plus, l'air est glacial et il s'en met plein les bas de pantalon quand il marche dedans. Il devrait acheter un larbin pour se faire porter à dos d'homme, dans ce genre de situation. Satisfait de cette brillante idée, il se cale le menton au creux de sa paume de main, et observe le paysage, écœuré par tant de blancheur immaculée.

L'une de ses suivantes, une petite sotte à peine capable de nouer un lacet, s'extasie, en compagnie d'une de ses semblables, du coucher de soleil qui se reflète sur la montagne et la pare d'une robe dorée. D'un claquement de langue agacé, il les fait taire, et elles se réfugient dans un coin, effrayées. Si seulement ces idiotes ne mettant pas temps de tant à rentrer, il leur ferait faire le chemin à pied à chaque fois, pour s'épargner leurs chuchotements insupportables.

Un rictus de mépris vient tordre son jeune visage, pourtant joli habituellement : sur le bas-côté, un homme marche en faisant valser dans les airs de ridicules bouts de bâtons enflammés. C'est à se demander quelle gueuse il espère séduire avec ce stratagème de bas-étage.
Bien malgré lui, il observe le va-nu-pied le temps que la caravane le dépasse. Cet imbécile est totalement concentré sur son jouet, comme si ces flammes pouvaient avoir un quelconque intérêt. Encore un bon à rien de rêveur, qui se pâme bêtement devant la moindre broutille.

D'un geste rageur, il tire d'un coup sec sur le rideau pour masquer ce pitoyable spectacle. Il a bien mieux à faire. Il regarde la moquette aux fleurs délicates, les lambris de bois qui tapissent les murs et le plafond de la caravane. Il s'ennuie. D'une voix autoritaire, il ordonne à une de ses suivantes de venir lui tenir compagnie, mais cette péronnelle se tasse sur elle-même et ne décroche pas un mot. Rageur, il l'a renvoie auprès de sa collègue, la menaçant de renvoi s'il les entend chuchoter. Puis avec brusquerie, il ouvre les rideaux. Un long soupir lui échappe. Il s'ennuie. La ville est encore si loin !

C'est long...

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