Rivemorte, Chap.76
Publié le par Blanche
Malgré ses paroles, Jehanne fait lentement courir ses doigts sur la corde, sans prononcer un seul mot, et la contrainte se relâche. A peine, juste assez pour ne plus lui couper le sang. Trop peu pour qu'il puisse s'en défaire. Mais peut-être que, comme l'a dit Jehanne, cette corde est animée. Peut-être que tenter à nouveau ne pourrait que lui nuire. Ou peut-être divague-t-elle...
Elle s'est éloignée à nouveau, silencieuse, et le voleur l'observe, perplexe. Peut-il seulement essayer de la raisonner ? Dans quelle mesure peut-il la croire ? Elle s'affaire et finit par amener deux assiettes creuses remplies d'un potage aux couleurs douteuses. Il a remercie du bout des lèvres, et l'observe discrètement. Elle aussi doit avoir faim, car elle plonge avec enthousiasme sa cuillère dans la soupe. Mais comme elle ne tombe pas raide morte, ni ne fait la moindre grimace de dégoût, Elland, confiant, goûte à son tour le dîner.
De toute sa vie, il a mangé d'excellents repas, surtout depuis qu'il habite à l'Hermine Affamée. Avec l'ancien propriétaire, il arrivait que la nourriture soit passable, mais ça se laissait manger. Mais là … Le potage est chaud, onctueux. Des morceaux de viande dérivent lentement : Elland préfère ne pas savoir ce que c'est. Quant à sa composition, Jehanne a dû prendre tout ce qui lui tombait sous la main pour le jeter joyeusement dans cet ersatz de dîner. C'est immangeable. Son estomac se révulse à l'idée d'en prendre une autre cuillerée. Et Jehanne bougonne :
- Encore trompée … impossible...
Elle observe son assiette avec attention, les sourcils froncés. Et son air dépité est tellement poignant qu'Elland ne peut s'empêcher de ressentir un élan de sympathie pour sa geôlière. Elle lance un regard désemparé au voleur et lui demande :
- Ce n'est pas très bon, n'est-ce pas ?
- Pas très, non.
- Tu sais faire à manger ?
- Non.
Il n'a jamais eu besoin d'apprendre à cuisiner, et depuis des années, il se fait nourrir par les diverses tavernes de la ville. Jehanne semble si triste qu'il se sentirait presque coupable de n'avoir jamais ressenti le moindre intérêt pour la confection d'un repas. Mais soudain, la déception qui se lisait sur le visage de Jehanne fait place à un ravissement tout enfantin. Elle se lève d'un geste vif et l'odieux potage menace de se répandre sur le sol. Mais contrairement au voleur, elle n'imagine pas le liquide faire des trous dans le plancher tant il est nocif. Elle pose l'assiette sur la table et se précipite vers la porte en marmonnant :
- Entends-tu battre son cœur ? Ils sont de retour…
Elle tape dans ses mains, ravie. Elland, lui, n'est pas vraiment ravi. Qui est de retour ? Ses complices ? Pèire et les autres ? Mais il ne peut ni s'échapper ni rendre sa situation moins risible, alors il prend le parti de rester assis sur le lit, le dos bien droit, aussi digne que possible. Elle ouvre grand la porte, laissant entrer la fraîcheur de la nuit et une sombre silhouette qu'il connait bien. Echidna.
Jehanne tombe à genoux, ouvrant grand ses bras pour accueillir la gargouille dans une étreinte passionnée. Elland sourit, persuadé qu'Echidna va l'ignorer pour aller le retrouver. Mais pas du tout. Au contraire, elle glisse sa tête contre le cou Jehanne et ronronne si fort que le plancher vibre légèrement. Le sourire d'Elland se crispe, puis disparaît complètement. Echidna l'ignore, purement et simplement. Lui, son ami de toujours, son complice. Il a été moins présent, ces derniers temps, c'est vrai. Mais de là à faire comme s'il n'existait pas...
Jehanne marmonne des propos incompréhensibles, faisant ronronner de plus belle la gargouille. L'attente devient longue, alors qu'il essaie de juguler sa déception et sa jalousie. Mais elles occultent totalement sa présence. Pourquoi ? Quel sort Jehanne a-t-elle lancé ?
Il s'agite, gigote un peu, toussote légèrement. Mais rien n'y fait, c'est comme s'il n'existait pas. La gargouille prend une place considérable dans la petite pièce mais ça ne semble pas gêner Jehanne. Soudainement, une explosion de sentiments se déverse entre les murs. Un amour infini, une gratitude sans bornes, émanant de la gargouille, fusent en direction de Jehanne. Une affection aussi puissante ne peut être qu'exclusive. Elland comprend alors qu'il a perdu Echidna.
Elle s'est éloignée à nouveau, silencieuse, et le voleur l'observe, perplexe. Peut-il seulement essayer de la raisonner ? Dans quelle mesure peut-il la croire ? Elle s'affaire et finit par amener deux assiettes creuses remplies d'un potage aux couleurs douteuses. Il a remercie du bout des lèvres, et l'observe discrètement. Elle aussi doit avoir faim, car elle plonge avec enthousiasme sa cuillère dans la soupe. Mais comme elle ne tombe pas raide morte, ni ne fait la moindre grimace de dégoût, Elland, confiant, goûte à son tour le dîner.
De toute sa vie, il a mangé d'excellents repas, surtout depuis qu'il habite à l'Hermine Affamée. Avec l'ancien propriétaire, il arrivait que la nourriture soit passable, mais ça se laissait manger. Mais là … Le potage est chaud, onctueux. Des morceaux de viande dérivent lentement : Elland préfère ne pas savoir ce que c'est. Quant à sa composition, Jehanne a dû prendre tout ce qui lui tombait sous la main pour le jeter joyeusement dans cet ersatz de dîner. C'est immangeable. Son estomac se révulse à l'idée d'en prendre une autre cuillerée. Et Jehanne bougonne :
- Encore trompée … impossible...
Elle observe son assiette avec attention, les sourcils froncés. Et son air dépité est tellement poignant qu'Elland ne peut s'empêcher de ressentir un élan de sympathie pour sa geôlière. Elle lance un regard désemparé au voleur et lui demande :
- Ce n'est pas très bon, n'est-ce pas ?
- Pas très, non.
- Tu sais faire à manger ?
- Non.
Il n'a jamais eu besoin d'apprendre à cuisiner, et depuis des années, il se fait nourrir par les diverses tavernes de la ville. Jehanne semble si triste qu'il se sentirait presque coupable de n'avoir jamais ressenti le moindre intérêt pour la confection d'un repas. Mais soudain, la déception qui se lisait sur le visage de Jehanne fait place à un ravissement tout enfantin. Elle se lève d'un geste vif et l'odieux potage menace de se répandre sur le sol. Mais contrairement au voleur, elle n'imagine pas le liquide faire des trous dans le plancher tant il est nocif. Elle pose l'assiette sur la table et se précipite vers la porte en marmonnant :
- Entends-tu battre son cœur ? Ils sont de retour…
Elle tape dans ses mains, ravie. Elland, lui, n'est pas vraiment ravi. Qui est de retour ? Ses complices ? Pèire et les autres ? Mais il ne peut ni s'échapper ni rendre sa situation moins risible, alors il prend le parti de rester assis sur le lit, le dos bien droit, aussi digne que possible. Elle ouvre grand la porte, laissant entrer la fraîcheur de la nuit et une sombre silhouette qu'il connait bien. Echidna.
Jehanne tombe à genoux, ouvrant grand ses bras pour accueillir la gargouille dans une étreinte passionnée. Elland sourit, persuadé qu'Echidna va l'ignorer pour aller le retrouver. Mais pas du tout. Au contraire, elle glisse sa tête contre le cou Jehanne et ronronne si fort que le plancher vibre légèrement. Le sourire d'Elland se crispe, puis disparaît complètement. Echidna l'ignore, purement et simplement. Lui, son ami de toujours, son complice. Il a été moins présent, ces derniers temps, c'est vrai. Mais de là à faire comme s'il n'existait pas...
Jehanne marmonne des propos incompréhensibles, faisant ronronner de plus belle la gargouille. L'attente devient longue, alors qu'il essaie de juguler sa déception et sa jalousie. Mais elles occultent totalement sa présence. Pourquoi ? Quel sort Jehanne a-t-elle lancé ?
Il s'agite, gigote un peu, toussote légèrement. Mais rien n'y fait, c'est comme s'il n'existait pas. La gargouille prend une place considérable dans la petite pièce mais ça ne semble pas gêner Jehanne. Soudainement, une explosion de sentiments se déverse entre les murs. Un amour infini, une gratitude sans bornes, émanant de la gargouille, fusent en direction de Jehanne. Une affection aussi puissante ne peut être qu'exclusive. Elland comprend alors qu'il a perdu Echidna.