Rivemorte, Chap.106

Publié le par Blanche

the-cryptkeeper

 

- Elland !

Pèire secoue d'une main douce l'épaule indemne d'Elland. Son regard inquiet le scrute avant que, d'un mouvement de tête, il lui indique le bruit provenant des escaliers. Des escaliers qu'ils viennent de sécuriser. Elland se redresse à grand peine, empoigne sa dague dans un geste dérisoire. Si les gardes ont vaincu Thémus et Théoliste, ils ne pourront rien faire. Mais ce sont précisément les deux compères qui débouchent des escaliers.

Du sang macule de tâches sombre la tunique de Thémus, tandis que le médecin se tient légèrement en retrait, le visage fermé. Derrière eux, une quinzaine de mages, l'air déterminé. Ils s'immobilisent au milieu du couloir, attirant instantanément tous les regards. Thémus en profite pour déclarer :


- Nous avons neutralisé tous les gardes des étages supérieurs et Saens s'occupe de rassembler les mages. Nous devons leur sécuriser le chemin. Combien sont-ils ? Quelles armes ont-ils ?

S'il n'affiche aucun sentiment, Thémus n'en scrute pas moins chaque personne présente, les jaugeant d'un rapide regard. Les blessures d'Elland ne lui ont pas échappé, mais il se contente d'un léger signe de la tête. Nul doute qu'il a vu le corps sans vie de Roscelin.
Pèire lui résumé rapidement la situation et l'aura de Thémus semble encore prendre de l'ampleur. Il n'a pas une seule hésitation lorsqu'il ordonne aux mages dont les pouvoirs sont les moins utiles de rester en retrait.
Puis, comme une armée parfaitement rodée, trois mages prennent la tête du groupe. Le premier, d'une simple apposition des mains, tranche les pieds des tables comme s'il s'agissait d'une miche de main qu'on rompt. Puis un second fait léviter les plateaux de bois, à l'horizontale, de manière à ce qu'ils couvrent quasiment toute la largeur du couloir et montent à près de trois mètres de hauteur. Il ne laisse qu'un espace d'une quinzaine de centimètres entre les deux plateaux, leur permettant de voir ce qu'ils ont à affronter.
Le troisième s'avance alors et semble caresser cet espace dégagé qui, s'il leur permet de voir, les rend aussi vulnérables. Les pierres de l'autre côté des tables se voilent légèrement. Le troisième mage se recule et murmure :


- Leurs flèches ne pourront pas traverser le voile. Mais nos armes peuvent le traverser.
- Allons-y alors.

L'ordre de Thémus est à peine chuchoté, mais les mages qui le suivaient se mettent en place et le télépathe fait avancer leur bouclier. Elland, abasourdi par la tournure des évènements, se range sagement dans la file et suit tant bien que mal le rythme, malgré la douleur lancinante au mollet.
L'escalier vers l'étage des cuisines est plus large que les précédents, mais le négocier prend beaucoup de temps et nécessite de la délicatesse. Elland ne s'impatiente pas pour autant. La maîtrise de Thémus l'a rassuré, tout comme la certitude de n'avoir aucun ennemi dans le dos. Et ils sont près d'une cinquantaine, désormais, qui marchent vers la liberté. Ils ne laisseront personne les arrêter.

Le mage qui manipule ce qu'il reste des tables avance lentement dans le couloir des cuisines. Chaque porte est ouverte, chaque pièce fouillée et ce n'est que lorsqu'ils ont la certitude de ne laisser aucun garde derrière eux qu'ils reprennent leur marche.
Un silence étouffant les accompagne, comme porteur d'un message funeste.
Le couloir des cuisines est désert, et c'est avec beaucoup de précautions qu'ils descendent le nouvel escalier. Personne en vue.

C'est Pèire qui se charge du code pour ouvrir la porte qui protège Jehanne, Anthelme et Osvan. Seul le silence lui répond. Claudiquant, Elland s'approche à son tour, guettant le moindre mouvement du battant de bois qui reste désespérément clos. Pèire fait lentement tourner la poignée et la porte s'ouvre en silence. La porte s'ouvre. Alors qu'elle aurait dû être barricadée. Ils se précipitent à l'intérieur, arme au poing. D'autres mages les suivent, conscient d'un danger potentiel. Mais la pièce est déserte. Les meubles qui barricadaient la porte sont éparpillés dans la pièce, brisés, démembrés. Les chaises bancales qui encombraient les lieux sont définitivement hors d'usages. Plus aucune cachette ne subsiste. Et aucune trace de Jehanne, Anthelme et Osvan.

Thémus se tient sur le seuil de la porte, le visage sombre. Aucune parole n'est nécessaire. D'un geste, il ordonne la progression. Ils retrouveront leurs amis. Ils ne peuvent pas échouer. Théoliste, pâle comme la mort, reste figé et il faut quelques paroles murmurées au creux de son oreille par Pèire pour qu'il se remette en mouvement.
Les salles suivantes sont tout aussi désertes, et c'est lentement mais sûrement qu'ils progressent jusqu'aux prochains escaliers.

Lorsqu'ils débouchent dans la salle des gardes, elle est également vide. Alors qu'en toute logique, leurs ennemis auraient dû préparer leur traquenard ici. Ils ne les laisseront pas partir, c'est impensable. Alors où sont-ils ? Dans les souterrains ?

L'homme qui manie les tables avance très prudemment et les mages qui l'entourent scrutent chaque détail à la recherche d'un piège. Les bancs et la table qui meublaient cette pièce sont désormais contre les murs, c'est le changement visible depuis qu'ils sont passés par là, à peine quelques heures plus tôt. Quelques heures. Qui semblent être une éternité aux yeux d'Elland, dont les forces s'amenuisent à mesure que les bandages de fortune laissent s'écouler son sang.
Si leurs ennemis ne sont pas là, alors ils les attendent dans les souterrains, juste derrière la porte. Ils ne prendraient pas le risque de diviser leurs forces dans le labyrinthe.

Et soudain, les mages en tête sont aspirés par le sol. Les tables qui servaient de bouclier s’effondrent dans un fracas infernal. Fracas qui couvre à peine les cris d'agonie des sorciers. Ceux qui suivaient de près reculent vivement dans la confusion. La porte des souterrains s'ouvre alors, permettant aux archers de tirer leurs traits mortels.

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