Malevil, Robert Merle

Publié le par Blanche

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Résumé :

 

Une guerre atomique dévaste la planète, et dans la France détruite un groupe de survivants s'organise en communauté sédentaire derrière les remparts d'une forteresse. Le groupe arrivera-t-il à surmonter les dangers qui naissent chaque jour de sa situation, de l'indiscipline de ses membres, de leurs différences idéologiques, et surtout des bandes armées qui convoitent leurs réserves et leur « nid crénelé » ?

 

Mon avis :

 

Malevil, c'est un roman que j'avais découvert il y a fort, fort longtemps. J'en gardais quelques images, qui m'avaient perturbé à l'époque, mais je dois avouer que les détails de l'intrigue s'étaient estompés avec le temps. Par contre, ce roman avait marqué, et j'en gardais un excellent souvenir. Et le relire, un jour, s'imposait comme une évidence. Voilà chose faite !

 

Les cent premières pages nous présentent le narrateur, sa vie, ses amis et sa famille. Loin d'être ennuyeuses, ces pages sont pleines d'humour, de sujets parfois graves, de petites anecdotes qui, pourtant, auront leur place dans l'histoire. La plume de Robert Merle est très addictive, fluide, amenant tout plein d'images en tête.

 

Et puis, il y a, comme ils disent, "l'évènement". L'Evènement même. Tout est flou, à ce moment, et ils ne comprennent guère ce qu'il se passe. Mais ils acceptent très vite l'idée que ce soit une bombe atomique qui a tout ravagé sur son passage. Un peu trop vite, à mon goût. Comme si l'auteur, sachant déjà ce qu'il se passe, impose cette idée aux personnages sans leur laisser le temps de s'interroger plus en avant.

La manière dont ils se retrouvent, par coïncidence, presque, dans cette cave qui va leur sauver la vie est plutôt cohérente et naturelle. Pour le coup, on n'a pas trop l'impression d'avoir à faire à un marionnettiste qui place ses pions sur scène. Ce qui l'est moins, par contre, ce sont les différentes capacités des survivants. L'un plombier, l'autre paysan, l'autre menuisier. Comme s'ils partaient avec toutes les bonnes cartes en main. Non que la survie soit facile, notez bien, mais disons que l'auteur s'est aménagé une équipe de choc, aidée par animaux, provisions et semis.

 

Si ces éléments peuvent paraître un peu rédhibitoires, on les oublie bien vite. Car ce qui fait la force de ce roman, ce ne sont pas les qualités des personnages, mais cette incroyable odyssée humaine.

 

Et l'auteur, bien qu'ayant écrit son roman en 1972, garde un aspect parfaitement contemporain. Certes, l'époque est à la Guerre Froide, et ces évènements sont dépassés, pour nous. Mais il y a de nombreuses réflexions, sur notre dépendance à la technologie, sur notre manière de tout faire pour gagner du temps à l'aide de machines, pour au final, s'y perdre. Perdre en relations humaines, en bien-être personnel.

 

Et l'auteur fait parfaitement ressortir l'esprit paysan, cette manière de célébrer la pluie, de regarder un grain germer, de soigner ses bêtes plus que les hommes, de ne jurer que par le pain. De faire des réserves, d'anticiper sur les saisons à venir. Et il y a le langage, entre le patois et ces expressions un peu tordues, parfois, mais qui éveillent tant d'échos en moi. Et c'est principalement ces expressions, ces réflexions, qui m'ont tant plu.

 

Et puis, alors que la survie s'organise tant bien que mal, nous assistons à la formation de l'esprit communautaire. Aux frictions, aux jalousies parfois. A la terrible convoitise de l'homme qui, bien que quasiment anéanti par la catastrophe, en vient encore à s'entre-tuer. Les manipulations, les chantages et les manoeuvres pour avoir toujours un peu plus de pouvoir.

 

La place des femmes n'est pas particulièrement enviable, dans le roman. C'est dû, je pense, à l'époque, d'une part (celle de l'auteur comme celle du roman), mais peut-être aussi à la tradition. Les femmes sont là pour faire la cuisine, le ménage, coucher avec les hommes. Car elles sont la garantie de la survie de l'espèce. Les hommes les épargnent des travaux difficiles, les protègent lors des conflits. Si le narrateur ne semble pas être misogyne, il n'en demeure pas moins qu'il les considère bien différemment de ses compagnons masculins, et sans douceur avec ça, et ça peut perturber à notre époque. Mais ça passe. Ça passe parce qu'on comprend bien que survivre, si c'est pour que l'humanité s'éteigne dans vingt ou trente à leur mort, ça n'a pas de sens. Qu'il faut perpétuer la vie, pour qu'elle ait un sens.

 

Je redoute, tout en aimant, les roman post-apocalyptiques, car ils ont parfois un côté oppressant, gênant. Ici, on s'indigne de la duplicité des uns, de la lâcheté des autres, du comportement de certains. On rit aussi, car ce roman est truffé de touches d'humour. Mais on ne pleure pas, car l'auteur ne tombe jamais dans le pathos. Il y a des morts, dans ce roman, et pas uniquement dues à l'Evènement. Mais l'auteur ne s'y attarde pas, ne fait pas chanter les violons pour nous tirer des larmes. Il y a de l'émotion, mais c'est tout en finesse et en retenue.

 

Cette chronique commence à se faire longue, mais il s'agit d'un roman long, lui aussi. Et pourtant encore trop court, quand on lit l'épilogue, un peu rapide à mon goût. Je crois que j'aurais bien pu en lire cent ou deux cent pages de plus.

 

Ce fut une lecture très prenante, menée par une écriture très agréable et très fluide. La catastrophe, au delà de la survie basique, permet à l'auteur de nous dresser tout un pannel de comportements humains très crédibles. Le monde paysan y est parfaitement bien rendu, et les personnages sont attachants. Difficile d'y trouver un effet de surprise, puisque je savais que j'allais aimer. Mais c'est quand même un coup de coeur, pour ce que je considère être une pièce importante du genre post-apocalyptique français.

 

Coup de coeur

Publié dans Fiche de lecture : SF

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