La femme au corbeau

Publié le par Blanche

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Le ciel a revêtu ses plus noirs nuages. Aucun souffle de vent ne vient troubler le vol des rapaces qui lancent leurs cris déchirants. Le calme avant la tempête.

Landeythan est perché sur mon épaule et me prête ses yeux pour que je puisse assister au déploiement des forces. Sous ce ciel si obscur, ses plumes si noires ont pris des teintes bleutées. Le temps est venu.

J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour retarder l'inéluctable. Pour éviter l'inévitable. Nos deux peuples doivent s'affronter, c'est écrit. Et nous ne vaincrons pas.

Le regard perçant de Landeythan m'a permis de voir l'avancée des troupes ennemies. Ma magie m'a permis de gonfler les eaux de la rivière qu'ils devaient franchir et de rendre plus obscure la forêt qu'ils devaient traverser. Quand leurs éclaireurs ont été à découvert, mon arc les a abattu. Il en allait de notre survie. Mais on n'arrête pas la marche de l'espoir.

Ils sont tous unis, faisant fi de leurs différends, pour lutter contre nous. Pour se débarrasser de la peur que nous leur inspirons. Pour anéantir notre peuple qu'ils jugent dangereux. Ils ont peut-être raison. Nous aurions pu vivre ensemble, pourtant.

Je ne suis pas la seule à lutter mais ça ne suffira pas. Ils sont si nombreux... Quand l'un d'en nous déploie sa magie, ils sont cent, en face, à opposer leurs armes d'argent et d'acier. Leur but n'est pas de nous réduire à l'impuissance ou de nous bouter hors de nos terres. Ils veulent nous anéantir. Nous rayer de leur vie. Faire de nous des chimères du passé.

Une marée humaine s'est massée devant notre royaume et ils n'hésitent pas un instant : l'ordre d'attaque résonne jusqu'en haut de la tour où je suis postée. Nous sommes si peu...
La distance m'épargne les cris des blessés et le vacarme des épées. Mais le regard acéré de Landeythan ne perd rien des masques de souffrance, des rivières de sang qui coulent ni des regards qui s'éteignent. Mon peuple se meurt, coupable de sa magie.

J'ai laissé mon arc, les minotaures et les amazones sont bien meilleurs pour les combats rapprochés. Les goules, les orcs et les trolls sont des adversaires redoutables. Mais ça ne suffira pas.
Mes lèvres psalmodient sans répit les mots qui font douter, qui amplifient les peurs et qui ôtent tout courage. Je les vois hésiter, prêts à renoncer. Mais leur chef fait rugir sa voix et ils repartent de plus belle. Ma magie ne peut rien contre leur haine.

La vague humaine a brisé nos défenses et s'éparpille déjà entre nos murs. D'autres mages, comme moi, tentent de les ralentir. Espérer les arrêter serait bien vain. Les hommes massacrent sans pitié les créatures magiques, se repaissant du sang comme nous nous ressourcions de la nature. Je les vois s'engouffrer dans les rues, prendre d'assaut les maisons. Bientôt, ils seront là. Je ne fuirai pas.

Je suis épuisée. Lancer des sorts me demande beaucoup d'énergie mais je ne peux pas arrêter. La terre s'ouvre sous leurs pieds, des déluges leur tombent sur la tête. Les gobelins sont postés en embuscade mais ils ne font pas long feu. Massacrés jusqu'au dernier, ils n'arrêteront pas la marche des hommes.

Je les vois s'engouffrer dans l'entrée de la tour où je suis postée. Je dégaine ma dague. Mon peuple a toujours appris les rudiments du maniement des armes. Nous avons toujours su que ce jour viendrait. Landeythan laisse échapper un cri angoissé. Ça ne suffira pas.

En annihilant notre peuple, ils font disparaître la magie. Son temps est révolu. Regretterons-t-ils, un jour, leurs actes ? Subsisterons-nous dans les mémoires ? L'Histoire retiendra-t-elle le crime des hommes contre le peuple de la magie ? Je lutterai jusqu'à la mort pour la survie de notre peuple, mais ça ne suffira pas. J'entends leurs pas dans les escaliers. Ils arrivent.

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