Rivemorte, Chap.20
Publié le par Blanche
A regrets, Elland met fin à l'accolade, et salue une dernière fois Ménandre. Il ne se retourne pas avant de partir, il a bien trop peur que ce soit la dernière fois qu'il le voit. Echidna, qui a perçu son trouble, vient frotter ses cornes contre la hanche du voleur et parvient à lui tirer un maigre sourire.
Dans les grottes, l'agitation règne. Pèire est débordé, et court d'une gargouille à une autre. Inutile d'aller le déranger. Quant aux autres... qu'importe !
Sur les berges du lac, il demeure un instant immobile, comme pour s'imprégner une dernière fois de ce paysage magnifique, et somme toute apaisant. Près d'un mois s'est écoulé depuis son arrivée ici, et le temps qui court rogne sur sa patience. Il peut sentir son avancée, presque physiquement, tant il a envie de rentrer. Cette bagarre est une excuse idéale, d'autant plus qu'il est parfaitement conscient qu'elles recommenceront, et qu'il sera plus difficile de les stopper désormais. Et qu'importe ce qu'il se passe en ville, il saura passer entre les mailles du filet.
Il grimpe agilement sur le dos d'Echidna, passe les bras autour de son cou puis ils prennent la direction de Rivemorte. Le trajet lui paraît terriblement long : de lourds nuages menaçants masquent la lune et l'obscurité l'empêche de se repérer. Même s'il n'est pas vraiment croyant, il prie pour que le sens de l'orientation de sa complice ne lui fasse pas défaut.
Après ce qu'il lui semble être une éternité, ils arrivent enfin en vue de la Grand Tour Célestis. Encore une poignée de secondes de vol, et Echidna atterrit souplement sur le toit d'ardoises qui jouxte sa tanière. Un large sourire aux lèvres, il inspire profondément, heureux d'être de retour dans sa ville qu'il n'avait jamais quitté aussi longtemps. Contenant son impatience, il flatte longuement l'encolure d'Echidna puis applique délicatement un peu d'onguent sur ses blessures.
Enfin, il se glisse par la lucarne, et pénètre dans son antre. Rien n'a bougé, si ce n'est la fine couche de poussière qui s'est déposée sur les meubles. Le cheveu qu'il avait mis en travers de la porte est toujours intact, signe que personne ne l'a ouverte, mais il vérifie quand même, par précaution, que ses autres pièges ne sont pas actionnés. Personne n'est venu. Parfait. Il range ses possessions et va s'écrouler sur son lit, ravi d'être de retour.
C'est presque guilleret qu'il descend la façade de l'immeuble, le lendemain, alors que la Grand Tour Célestis annonce les deux heures de l'après-midi. Il s'est fait beau, et il a même dompté ses cheveux pour cette rencontre qu'il attend impatiemment. D'un pas joyeux, il se rend jusqu'au marché et achète une jolie brioche, parfaitement dorée et à l'odeur alléchante. Et c'est avec un sourire radieux qu'il s'avance entre les étals pour rejoindre celui qui l'intéresse. Mais il a beau scruter, point de drapière en vue. A sa place, une espèce d'affreux bonhomme hirsute et bedonnant. Déçu et inquiet, il reste de longues minutes immobile devant les rouleaux de tissus. Jusqu'à attirer l'attention de l'homme.
- J'peux vous aider ?
Le ton n'a rien d'aimable. Elland se demande fugitivement comment un tel homme peut se prétendre vendeur. Il hésite un instant à l'interroger, bien conscient que ce genre d'individu n'aime pas spécialement rendre service. Mais il doit savoir. Alors, prenant son courage à deux mains, il lui demande :
- Où est la vendeuse habituelle ?
L'homme le dévisage avec un air mauvais et franchement suspicieux, si longtemps qu'Elland se résigne à ne jamais avoir de réponse. Autour de lui, les gens vaquent à leurs occupations sans se douter du drame qui se joue. Finalement, dans un reniflement méprisant, l'homme répond un succinct « L'est partie. Reviendra plus. » avant de s'intéresser à son inventaire. Le voleur avale difficilement sa salive et s'éloigne. Il n'en saura pas plus.
C'est dans un état second qu'il traverse les allées. Sa drapière est partie. Il ne la reverra plus. Comment a-t-elle pu s'en aller sans lui en parler avant ? Croit-elle que personne ne se soucie d'elle ? Agacé, il donne un coup de pied dans un fruit trop mûr jeté par un marchand. Mais pouvait-il lui demander de rester alors même qu'ils ne se sont quasiment jamais parlé ? Elland ronchonne à mi-voix, bien obligé d'admettre que non, il ne pouvait rien lui demander. Mais il pourrait essayer de la retrouver. Sauf qu'il ne peut pas la courtiser, car il n'a rien à lui offrir : ni sécurité, ni bonne réputation.
Ses pas l'ont conduit jusqu'à l'Hermine Affamée, suivant sans doute les instructions de son estomac. Une nouvelle surprise l'attend. Une mauvaise, encore. A croire qu'il aurait mieux fait de rester couché. La porte et les volets de la taverne sont clos. Définitivement clos, d'après le mendiant qui est assis le long du mur. A cause du nettoyage en règle de la ville, les clients ne venaient plus chez Alvin et il a dû mettre en vente l'Hermine. Pour le remercier de ces informations, Elland lui donne la brioche, n'ayant plus aucun appétit, et s'éloigne. Il redoute la prochaine visite, et songe même à rebrousser chemin, tant il craint que la loi des séries ne s'applique aussi à la cordonnerie de Thémus. Mais il doit en avoir le cœur net. Alors, résolu, il s'avance vers la ruelle.
Dans les grottes, l'agitation règne. Pèire est débordé, et court d'une gargouille à une autre. Inutile d'aller le déranger. Quant aux autres... qu'importe !
Sur les berges du lac, il demeure un instant immobile, comme pour s'imprégner une dernière fois de ce paysage magnifique, et somme toute apaisant. Près d'un mois s'est écoulé depuis son arrivée ici, et le temps qui court rogne sur sa patience. Il peut sentir son avancée, presque physiquement, tant il a envie de rentrer. Cette bagarre est une excuse idéale, d'autant plus qu'il est parfaitement conscient qu'elles recommenceront, et qu'il sera plus difficile de les stopper désormais. Et qu'importe ce qu'il se passe en ville, il saura passer entre les mailles du filet.
Il grimpe agilement sur le dos d'Echidna, passe les bras autour de son cou puis ils prennent la direction de Rivemorte. Le trajet lui paraît terriblement long : de lourds nuages menaçants masquent la lune et l'obscurité l'empêche de se repérer. Même s'il n'est pas vraiment croyant, il prie pour que le sens de l'orientation de sa complice ne lui fasse pas défaut.
Après ce qu'il lui semble être une éternité, ils arrivent enfin en vue de la Grand Tour Célestis. Encore une poignée de secondes de vol, et Echidna atterrit souplement sur le toit d'ardoises qui jouxte sa tanière. Un large sourire aux lèvres, il inspire profondément, heureux d'être de retour dans sa ville qu'il n'avait jamais quitté aussi longtemps. Contenant son impatience, il flatte longuement l'encolure d'Echidna puis applique délicatement un peu d'onguent sur ses blessures.
Enfin, il se glisse par la lucarne, et pénètre dans son antre. Rien n'a bougé, si ce n'est la fine couche de poussière qui s'est déposée sur les meubles. Le cheveu qu'il avait mis en travers de la porte est toujours intact, signe que personne ne l'a ouverte, mais il vérifie quand même, par précaution, que ses autres pièges ne sont pas actionnés. Personne n'est venu. Parfait. Il range ses possessions et va s'écrouler sur son lit, ravi d'être de retour.
C'est presque guilleret qu'il descend la façade de l'immeuble, le lendemain, alors que la Grand Tour Célestis annonce les deux heures de l'après-midi. Il s'est fait beau, et il a même dompté ses cheveux pour cette rencontre qu'il attend impatiemment. D'un pas joyeux, il se rend jusqu'au marché et achète une jolie brioche, parfaitement dorée et à l'odeur alléchante. Et c'est avec un sourire radieux qu'il s'avance entre les étals pour rejoindre celui qui l'intéresse. Mais il a beau scruter, point de drapière en vue. A sa place, une espèce d'affreux bonhomme hirsute et bedonnant. Déçu et inquiet, il reste de longues minutes immobile devant les rouleaux de tissus. Jusqu'à attirer l'attention de l'homme.
- J'peux vous aider ?
Le ton n'a rien d'aimable. Elland se demande fugitivement comment un tel homme peut se prétendre vendeur. Il hésite un instant à l'interroger, bien conscient que ce genre d'individu n'aime pas spécialement rendre service. Mais il doit savoir. Alors, prenant son courage à deux mains, il lui demande :
- Où est la vendeuse habituelle ?
L'homme le dévisage avec un air mauvais et franchement suspicieux, si longtemps qu'Elland se résigne à ne jamais avoir de réponse. Autour de lui, les gens vaquent à leurs occupations sans se douter du drame qui se joue. Finalement, dans un reniflement méprisant, l'homme répond un succinct « L'est partie. Reviendra plus. » avant de s'intéresser à son inventaire. Le voleur avale difficilement sa salive et s'éloigne. Il n'en saura pas plus.
C'est dans un état second qu'il traverse les allées. Sa drapière est partie. Il ne la reverra plus. Comment a-t-elle pu s'en aller sans lui en parler avant ? Croit-elle que personne ne se soucie d'elle ? Agacé, il donne un coup de pied dans un fruit trop mûr jeté par un marchand. Mais pouvait-il lui demander de rester alors même qu'ils ne se sont quasiment jamais parlé ? Elland ronchonne à mi-voix, bien obligé d'admettre que non, il ne pouvait rien lui demander. Mais il pourrait essayer de la retrouver. Sauf qu'il ne peut pas la courtiser, car il n'a rien à lui offrir : ni sécurité, ni bonne réputation.
Ses pas l'ont conduit jusqu'à l'Hermine Affamée, suivant sans doute les instructions de son estomac. Une nouvelle surprise l'attend. Une mauvaise, encore. A croire qu'il aurait mieux fait de rester couché. La porte et les volets de la taverne sont clos. Définitivement clos, d'après le mendiant qui est assis le long du mur. A cause du nettoyage en règle de la ville, les clients ne venaient plus chez Alvin et il a dû mettre en vente l'Hermine. Pour le remercier de ces informations, Elland lui donne la brioche, n'ayant plus aucun appétit, et s'éloigne. Il redoute la prochaine visite, et songe même à rebrousser chemin, tant il craint que la loi des séries ne s'applique aussi à la cordonnerie de Thémus. Mais il doit en avoir le cœur net. Alors, résolu, il s'avance vers la ruelle.